Un train de retard Spécial
Les esprits clairvoyants aiment les métaphores ferroviaires. «Trop souvent, dire que l’on va être en retard par rapport aux Etats-Unis ou à un autre pays suffit à donner de l’intelligence à un projet. Mais si être en avance signifie aller droit dans le mur, alors mieux vaut être en retard!», lançait en 2012 le biologiste français Jacques Testart dans le documentaire Un monde sans humains?.
Voilà comment le père du premier bébé-éprouvette (1982), devenu l’une des voix les plus critiques de la science sans conscience, remballait les adeptes du transhumanisme – Google en tête – et la peur plus que jamais présente de «rater le train de la technologie».
Pour sa part, Solange Ghernaouti, experte internationale en cybersécurité de l’Université de Lausanne, décrypte et dévoile depuis des années l’envers du décor idéologique de la transition numérique. Comme Jacques Testart il y a dix ans, cette référence mondiale de la lutte contre la cybercriminalité dénonce une fuite en avant technologique. Elle utilise l’image d’un train devenu fou auquel on accroche pourtant sans cesse d’autres wagons.
Le numérique, train fou auquel on accroche sans cesse d’autres wagons.
«La transition numérique actuelle consiste, explique-t-elle, à déplacer l’humain à la périphérie des systèmes et aussi à le remplacer.» La périphérie… cette zone d’exclusion où le pape François nous demande d’aller pour ne laisser aucun «compagnon de route» à l’écart! Personnes âgées, étrangers sans formation, jeunes défavorisés ou simples citoyens en désaccord, voire en rupture avec un monde digital dominé par les forces de l’argent: de plus en plus d’individus restent au bord du chemin de notre société ultra-connectée. Nouveaux exclus, nouvelles victimes de l’arrogance numérique, ils sont atteints, dit-on, d’illectronisme.
«Un mot à la fois laid et condescendant», dénonce Jean-Claude Guillebaud. Pour l’essayiste et journaliste français qui a retrouvé la foi, la «cyberbéatitude» des années 1990 a vécu. Et si l’humanité veut éviter une cybercatastrophe, il lui faut combattre la dictature des algorithmes. En rejetant l’hégémonie des dominants qui «confondent ce qui se compte avec ce qui compte». La presse, elle-même soumise au diktat de la transition numérique, a-t-elle suffisamment de recul sur la question? Espérons que la peur de rater le train du numérique ne l’empêchera jamais de donner la parole à des esprits critiques comme Solange Ghernaouti.
Articles en relation

Le génie de Hugo
«Le ciel est gris et la pluie tombe,/Et les gouttes s’écrasent sur les toits./Le vent soue fort et les branches ploient.» La météo est une préoccupation réelle, on a pu le constater la semaine dernière: il a neigé, et ce n’est pas rien. Les employés de voirie le savent, comme les amateurs de glisse et, plus encore, tous ceux dont, sur les hauteurs, le revenu dépend toujours de ce que l’on surnomme l’or blanc (à juste titre, la valeur étant fille de la rareté). Il a neigé, et c’est devenu une information importante, et pas seulement pour les journalistes. Combien de photos et de vidéos ont-elles été échangées dès la chute des premiers flocons?

Billets de bus en voie de disparition
Sera-t-on bientôt obligé d’avoir un Smartphone pour acheter un titre de transport public? Le développement de la vente numérique avance à vitesse grand V pour de nombreuses compagnies. Exemple à Morges où les transports de la région ont entamé un changement conséquent.

Un billet pour tous
Acheter son billet de bus en ligne au lieu de devoir préparer sa monnaie pour le distributeur ou faire la queue au guichet: un gain de temps, un progrès, pense-t-on! Les entreprises de transports publics romandes suivent la tendance: c’est le cas dans le canton de Vaud, mais pas seulement, où les transports publics de Morges-Bière-Cossonay (MBC) accélèrent le passage à la vente de billets numériques en supprimant la quasi-totalité de leurs distributeurs automatiques.