La baleine et le triolet Spécial
Chers lecteurs,
Cette page aurait pu rester blanche, et sans doute y aurait-elle gagné: vous imagineriez ce qu’il vous plairait d’y lire et quelques banalités de circonstances vous seraient épargnées. Mais voilà, une nouvelle année et la prise de responsabilités dans une rédaction ne permettent pas le silence.
Ce seraient pourtant de belles occasions de se taire: les résolutions sans lendemain du 1er janvier devraient inciter à ne faire – et surtout annoncer – de projets qu’avec la plus grande réserve et beaucoup d’humilité. On fait ce qu’on peut, dit-on, mais nous savons bien que ce que nous faisons n’est pas toujours à la hauteur de ce que nous pouvons.
Plus sincères que les résolutions, les vœux aussi sont embarrassants.
Plus sincères que les résolutions, les vœux aussi sont embarrassants. Que souhaiter qui ne paraisse pas naïf plus tard, par exemple dans un an, lorsque nous aurons été abasourdis de guerres et de famines, drames collectifs, de deuils et d’échecs, catastrophes personnelles? Cette page ne pouvant rester blanche, autant parler du triolet de la huitième symphonie d’Antonín Dvořák; de la tape amicale d’un touriste renseigné dans le train; d’un regard empli de tendresse; de la mer qui apparaît à l’horizon lors d’une promenade matinale; d’un livre qui réveille d’un coup de poing sur le crâne (ceux de Stefánsson par exemple); d’un silence partagé autour d’un thé. De tous ces moments pareils à ceux où se fait entendre le cri «Baleine en vue!» causant, plus que de l’excitation, une joie vraie. Des moments, inattendus ou non, qui ne demandent qu’à être accueillis. Car, pour voir une baleine, il faut regarder la mer – banalité. Et l’Echo, en plus d’être le témoin de son temps, entend vous aider à voir le beau – ah, un projet! Voir le beau, c’est aussi – nous finissons par y arriver – un bon souhait à formuler et une bonne résolution à prendre.
Bien à vous,