Autre regard, autre pape Spécial
Imaginons un instant que Benoît XVI n’ait pas été allemand et qu’il ait eu un nom civil plus agréable à nos palais: la presse britannique n’aurait pas annoncé l’élection du «rottweiler de Dieu» ni ne l’aurait surnommé «Papa Ratzi» en 2005. Imaginons qu’il ait eu un visage moins austère qu’aucun plaisantin n’aurait transformé sur les réseaux sociaux en celui de Palpatine, le malfaisant empereur de Star Wars. Imaginons qu’il n’ait pas été un universitaire, avec l’image d’intellectuel éloigné de la réalité que cela implique.
Peut-être lui trouverions-nous alors d’autres mérites que celui d’avoir «démissionné» avec humilité. D’autant qu’il y avait plus que cela dans sa renonciation, assurait feu le cardinal Henri Schwery: Benoît XVI, fatigué par une curie rétive à tout changement, avait voulu donner un coup de pied dans la fourmilière, coup de pied qui s’était transformé en coup de tonnerre.
Benoît XVI avait voulu donner un coup de pied dans la fourmilière.
En partant, le pape pas encore émérite réaffirmait, et ce n’est pas rien, la supériorité de l’humain sur l’institution. Il le disait explicitement lors de sa dernière audience générale devant la foule massée sur la place Saint-Pierre: l’Eglise n’est «pas une organisation, une association à des fins religieuses ou humanitaires, mais un corps vivant, une communion de frères et de sœurs dans le Corps de Jésus-Christ».
Une communion qu’il voulait plus saine, lui, le premier pape à décider une politique de «tolérance zéro» à l’endroit des coupables d’abus; «Un pédophile ne peut pas être prêtre», avait-il affirmé avant de rencontrer des victimes, rappelait La Croix. Une communion qu’il voulait aussi plus sainte en lançant l’Année de la foi pour «raffermir vraiment notre foi en Dieu, dans un contexte qui semble la mettre toujours au second plan». Une communion dans la confiance, dont il ne manquait pas: «Nous voyons combien l’Eglise est vivante aujourd’hui», s’était-il réjoui en 2013. Son pontificat, qui a ouvert la voie à François, porte des fruits. Avec un autre regard, nous pourrions le voir. Avec un autre regard, Benoît XVI est un autre pape.
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