BD: Derborence en roman graphique Spécial
Le dessinateur genevois Fabian Menor met en cases Derborence, le classique de Charles-Ferdinand Ramuz. Cette œuvre réussie est la première d’un triptyque de romans graphiques que les Editions Helvetiq consacrent au grand écrivain vaudois.
S’attaquer à un monument tel que Derborence pour l’adapter en une bande dessinée de 126 pages, quel défi! Le dessinateur Fabian Menor l’a relevé avec talent. Cela a demandé un an de travail au Genevois de 25 ans qui ne connaissait pas le chef-d’œuvre de Charles-Ferdinand Ramuz depuis qu’Hadi Barkat, patron des Editions Helvetiq, lui avait proposé de s’y attaquer. Grâce à son «regard neutre et sans a priori», le jeune bédéaste l’a magnifiquement empoigné et finement mis en cases.
«Cette quête initiatique est susceptible de parler à tous grâce à l’écriture rêche et si précise de Ramuz. En lisant le livre, j’étais déjà habité par des images», explique l’auteur dont la première BD, Elise, consacrée à l’enfance douloureuse de sa grand-mère, a déjà marqué les esprits. Précisons que dès ses 12 ans, l’artiste du bout du lac Léman a eu un certain Philippe Chappuis, alias Zep, pour mentor. Il s’est ensuite formé à l’Ecole supérieure de bande dessinée et d’illustration de Genève.
Dans le Massif des Diablerets
Dans de subtiles nuances de rouge, de brun et de bleu travaillées à l’aquarelle et à l’encre de Chine, Fabian Menor suggère des émotions et des silences. Sa lecture du récit de Ramuz se pare d’atours fantastiques et suggestifs qui ne sont pas sans évoquer l’atmosphère du Désert des Tartares de Dino Buzzati. L’attente déçue, puis comblée, l’amour, la mort et la folie s’entremêlent dans la mésaventure de ces paysans de montagne soumis à un éboulement dévastateur qui les dépasse et réellement survenu sur le versant valaisan du Massif des Diablerets en 1714.
Dans Derborence, initialement publié en 1934, la montagne est un personnage à part entière. L’histoire, ancrée dans un passé révolu, ne s’appuie pas moins sur des ressorts intemporels qui font que l’homme est homme malgré les déracinements que la modernité tente de lui imposer: l’amour conjugal, la maternité ou encore les attaches familiales. Cette œuvre est la première de la trilogie «Ramuz Graphique», que la maison d’édition lausannoise dédie au grand écrivain vaudois consacré par la prestigieuse collection de la Pléiade. Il nous tarde de découvrir les prochains albums! Il s’agit de La grande peur dans la montagne, par Quentin Pauchard, et de Présence de la mort, par Karen Ichters, deux adaptations qui sortiront respectivement début et fin 2023.
Fabian Menor, d’après le roman de Charles-Ferdinand Ramuz, Derborence (Editions Helvetiq, 126 pages.).
Laurent Grabet
Articles en relation

Tintin au fil de l’histoire
Le 3 mars 1983, le père de Tintin s’éteignait à 75 ans aux cliniques universitaires Saint-Luc de Bruxelles. Quarante ans plus tard, l’œuvre d’Hergé, qui a profondément marqué l’ADN de l’Echo Magazine, fascine toujours par sa capacité à illustrer les grands moments du 20e siècle.

BD: La potion magique des libraires
A Genève, Nyon, Lausanne, Fribourg ou Sion, les petits vendeurs de bandes dessinées résistent. Puriste, branché manga, très engagé, grand public, en lien ou non avec les grands noms du 9e art dont les dédicaces attirent la foule, chacun cherche et soigne son public. Et s’adapte aux goûts en pleine évolution depuis vingt ans.

Cosey honoré à Bâle
Le Cartoonmuseum de Bâle célèbre Cosey, son double Jonathan et leur tropisme pour le Tibet. On voit pertinemment à quel point le dessin du Vaudois est imprégné par les horizons culturels qui l’aimantent.