L’humain au sommet Spécial
Sa voix, quelques grandes inspirations qui suspendent le temps et son visage incliné sur ses fiches trahissent son émotion, comme ce mouvement de paupière qui semble chercher du courage. Les images sont saisissantes, ce qui est rare pour une conférence de presse d’un conseiller fédéral: l’annonce du départ de Simonetta Sommaruga n’a ressemblé à aucune autre.
Nous nous doutons bien que les membres du gouvernement sont humains tout comme nous. Nous l’oublions cependant, la fonction effaçant la personne. Que connaissons-nous d’eux si ce n’est la voix calme et posée, les réactions maîtrisées et le maintien droit dans une tenue irréprochable qu’ils nous donnent à voir? Les élans enthousiastes d’Adolf Ogi sont aussi peu fréquents que les fous-rires de Hans-Rudolf Merz – dont on se souvient aussi de l’arrêt cardiaque, douloureux rappel d’humanité, comme on se souvient, moins graves, des larmes de fatigue et d’émotion mêlées de Doris Leuthard lors de l’inauguration du tunnel du Gothard. Ueli Maurer a d’ailleurs dit se réjouir de retrouver un peu sa personnalité. Et, sans doute, comme d’autres démissionnaires avant lui et bien des retraités, se réjouit-il aussi de passer plus de temps avec ses proches.
L’annonce du départ de Simonetta Sommaruga n’a ressemblé à aucune autre.
Mais le départ, un mois plus tard, de Simonetta Sommaruga est d’une autre espèce. Sa décision est aussi «abrupte» et «inattendue» que l’AVC qui a frappé son mari, et qui l’a conduite à s’interroger sur davantage que la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale: sur ses priorités. Ce choix «force le respect», a-t-on pu lire. C’est vrai. Non parce qu’il sacrifie une carrière, mais parce qu’il découle d’une réflexion essentielle, certes forcée par les événements: est-ce vraiment ça la vie?
Il faut du courage pour agir en conséquence lorsque la réponse est négative. Simonetta Sommaruga en a eu. Et son adresse aux médias était plus que la simple annonce de sa démission. En rappelant implicitement qu’il est une réalité qui surpasse tout et qui se trouve dans la relation à l’autre, elle nous a tendu un miroir. Pour que nous, qui sommes humains tout comme les conseillers fédéraux, nous osions aussi nous demander, parfois, pris dans nos tourbillons, si c’est vraiment ça la vie.
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