Phrases assassines Spécial
«T’es schizo ou quoi?», «Quel mytho!», «Laisse, il doit sûrement être bipolaire»… Des petites phrases anodines entendues dans la rue, le bus ou le tram, que les ados se lancent sans trop réfléchir ou que vous avez peut-être vous-même prononcées d’un ton ironique, sans penser à mal, pour charrier un ami. Mais des phrases assassines pour les personnes souffrant réellement d’une maladie du cerveau. Et pour leurs proches, qui se comptent par centaine de milliers en Suisse – la schizophrénie, on a tendance à l’oublier, est cinq fois plus répandue que la maladie de Parkinson.
Or, ces abus de langage sont stigmatisants. Ils contribuent à réduire une épouse ou un mari aimé, un enfant chéri, avec leurs rêves et leurs émotions, à leur pathologie. Ils participent de la marginalisation de personnes qui, pour guérir, ont besoin d’un entourage bienveillant. Ce à quoi travaille justement l’association valaisanne Synapsespoir. Depuis treize ans, elle se bat pour tendre la main aux proches de personnes en souffrance psychique. C’est à sa demande que le psychiatre Alexandre Chanachev, interviewé dans l’Echo, viendra du canton de Fribourg pour donner une conférence à Martigny le 27 octobre. Pour rappeler que le trouble bipolaire, qui conduit plus souvent au suicide que les autres maladies mentales, ne devrait jamais être pris à la légère. Et pour dire aux familles confrontées à cette réalité: «Ne baissez pas les bras, car votre amour et votre patience contribuent à sauver l’être aimé».
Près de 60% des malades consomment des drogues.
Si un traumatisme – deuil, rupture, accident, etc. – déclenche souvent la schizophrénie ou le trouble bipolaire chez des personnes qui y sont génétiquement prédisposées, le stress et la pression sociale jouent aussi un rôle déterminant. Le plus grand obstacle à la guérison, dit le psychiatre, est la drogue. Près de 60% des personnes souffrant d’un trouble bipolaire en consomment – l’alcool en particulier. Ce constat devrait interroger une société obsédée par la performance et les apparences dans laquelle les psychotropes deviennent de plus en plus incontournables pour tenir le rythme… quand ce n’est pas le travail lui-même qui est une drogue. Rythme effréné, drogues et exclusion sociale nourrissent un cercle vicieux qui devrait nous appeler à lever le pied. Pour prendre un peu de recul, ouvrir nos cœurs et éviter les phrases assassines.
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S’il n’est pas soigné, le trouble bipolaire peut conduire au suicide plus souvent que les autres maladies mentales. Le psychiatre Alexandre Chanachev nous a reçu le 10 octobre dans son cabinet à Bulle (FR) pour la Journée mondiale de la santé mentale. Invité par une association de proches de personnes en souffrance psychique, il donnera une conférence le 27 octobre à Martigny (VS).

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