L’odeur de la poudre Spécial
«Je suis très préoccupé par le climat guerrier qui règne actuellement un peu partout dans le monde, y compris en Suisse. On a l’impression que certains acteurs, même d’anciens pacifistes, sont comme emportés par l’ivresse de la guerre.» Cette déclaration du conseiller fédéral Alain Berset, le 4 mars, accusé de reprendre «le narratif russe» et critiqué par son propre camp socialiste, a fait mouche dans les milieux suisses opposés à la guerre.
Depuis un an, ceux-ci observent avec la même inquiétude l’ambiance belliqueuse qui gagne insidieusement le monde. Réarmement inédit de l’Allemagne depuis la Seconde Guerre mondiale, doublement du budget militaire du Japon qui avait pourtant promis de «renoncer à jamais à la guerre» en 1946 après la dévastation nucléaire d’Hiroshima et de Nagasaki, extension de l’alliance militaire de l’OTAN, renforcement de l’accord politico-militaire anglo-saxon contre la Chine dans l’Océan Pacifique… et invasion russe de l’Ukraine.
Dans un contexte si sombre, la parole pacifiste mérite d’être entendue.
Jamais depuis l’implosion de l’URSS et les guerres balkaniques l’odeur de la poudre et du sang n’a flotté aussi lourdement en Europe. De financier, le soutien occidental au camp ukrainien est devenu militaire, avec des armes légères, puis lourdes (chars léopards). La livraison d’avions de combat? Elle repousserait plus loin encore la ligne rouge pourtant tracée afin d’éviter un conflit ouvert entre l’OTAN et la Russie, deux puissances nucléaires.
Dans un contexte si sombre, la parole pacifiste, bien que sans grand poids politique, peut-être porteuse d’une vision que d’aucun jugeront naïve ou peu réaliste, mérite d’être entendue. Pour nous rappeler que d’autres voies, loin des armes, existent: la négociation, la médiation, le soutien humanitaire, l’aide aux réfugiés, l’amour du prochain. La Suisse, siège de l’ONU et du CICR, plus qu’aucune autre nation, devrait être sensible aux arguments de la paix. Pour éviter de se laisser entraîner dans l’escalade meurtrière de la guerre.
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La tristesse de l’habitude
Quand nous sommes-nous habitués à ces choses-là? A ces scandales que nous n’accueillons plus qu’avec un haussement d’épaules, comme un banal changement d’entraîneur au FC Sion? Sans doute est-ce leur répétition qui finit par les installer dans le décor au point qu’ils nous indiffèrent ou presque. «L’histoire est prise dans une boucle», chantait Noa Kirel pour Israël au concours Eurovision de la chanson le 13 mai. C’était la veille des 75 ans de la déclaration d’indépendance de son pays, et c’était peu après l’annonce d’un cessez-le-feu entre l’armée israélienne et des groupes armés palestiniens.

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