Un homme d’espérance Spécial
Dès que j’ai appris le décès du Père Albert Longchamp, j’ai extrait d’une armoire le dossier dans lequel je gardais précieusement nos échanges: des courriels, mais aussi nombre de cartes postales. Car Albert aimait écrire à la main quelques mots au dos d’une carte choisie avec soin. Un mot revient régulièrement: espérance. Oui, Albert était un homme d’espérance.
De l’abbaye d’Orval, en Belgique, où il animait une retraite sur Maurice Zundel, il m’avait écrit: «Le vitrail de l’espérance me fascine. Cette espérance-là ne faiblira pas!». Il en aura entretenu la flamme jusqu’au bout. Un autre jour, sur une carte confectionnée par un réfugié: «Improbable espérance sur les dunes de l’espoir. La ‘petite espérance’ aime se cacher (comme moi, n’est-ce pas?)».
Je ne sais pas s’il aimait se cacher, Albert. Mais sa plume combative – il fut rédacteur en chef de l’Echo illustré durant vingt ans, marquant notre hebdomadaire de son empreinte – l’a placé, plus qu’il ne l’aurait désiré peut-être, sur le devant de la scène. Et il aimait ferrailler avec ses adversaires en un temps où les fronts étaient plus tranchés qu’aujourd’hui. Au nom de ce qu’il croyait juste pour l’Eglise. Une Eglise qu’il voulait proche des réalités et attentive à l’humain. Ses éditoriaux incisifs ont fait de notre hebdomadaire une voix écoutée. Car Albert n’a jamais transigé sur ses convictions: il était de la race des grands éditorialistes, et sa voix nous a manqué sur les abus sexuels et la Covid.
Ses éditoriaux incisifs ont fait de notre hebdomadaire une voix écoutée.
Une des grandes épreuves de sa vie fut sa dépendance à l’alcool. Elle lui a valu sept semaines de cure au Canada dont il a tiré un livre, Renaissance. L’alcool ou la vie (Editions Ouverture). Un authentique chemin de reconstruction intérieure qui lui a permis de se relier, derrière le jésuite et le journaliste, à l’homme qu’il était: «Je crois avoir beaucoup appris dans la connaissance et la fragilité, qui peut se faire renaissance. Ces semaines de clinique furent véritablement un nouveau noviciat et une redécouverte de la puissance spirituelle qui peut jaillir soudain des sources obscures du cœur».
C’est cela que je retiens d’Albert: un homme qui a su faire de sa fragilité une force. Et ce conseil: «Ma vie n’est pas triste. Que la vôtre soit riche de beauté, de compassion, d’amour et d’espérance». N’est-ce pas là l’essentiel?